« Nuit et jour, réfléchir les lumières »
Pour trouver des idées, jouez avec les mots !
Le mot « lumière » et ceux qui s’y rapportent éveillent des images, suggèrent des matériaux et des situations, racontent une histoire… Travaillons à plusieurs, avant d’en retenir certains pour concevoir notre projet personnel.
Commençons : éclats, scintillements, faisceaux, rayons, soleil, étoiles, nuées, embrasement, illumination, halo, aube, aurore, clarté, éclairage, diffraction, éclairer, bougeoir, chandelier, lampe torche lumignon, chandelle, photon, pixel, nitescence, reflets, dessins, ombres propres, ombres portées, ombres propres, formes, déformations, métamorphoses, transparences, opacités, colorations, décolorations, surexpositions, taches, pâle, intense, froide, chaude, colorée, apparition, disparition, effacement, révélation, coucher, lever, briller, brillant, s’éteindre, feu, phare, balise, lueur…
Toutefois, « lumière » est également : éclairer, éclaircissement, interprétation, commentaire, exposition, exposé, légende…
Si nous procédons ainsi avec « nuit », « jour » et « réfléchir », les pistes se multiplient. Si nous combinons « lumière » et « nuit » ou « jour » et « réfléchir », d’autres idées arrivent, d’autant que le mot « lumières » au pluriel ouvre d’autres perspectives qu’employé au singulier. Dès lors, quelles lumières associer, combiner, confronter, et comment ?
Ensuite, riches de cette récolte de propositions et d’images, demandons-nous ce qu’évoque pour nous « Nuit et jour, réfléchir les lumières ! ».

Philippe Ramette (1961-), L’ombre (de moi-même), 2007. Installation lumineuse, technique mixte.
Dimensions variables. Courtesy galerie Xippas © Philippe Ramette, DR.
Pour imaginer, observez !
Qu’y-a-t-il à observer ? En premier lieu, les effets de la présence ou de l’absence de lumière sont à examiner afin de parvenir ensuite à les initier, les orienter et les contrôler pour en utiliser certains en tant que moyens plastiques. Des phénomènes demandent ainsi à être analysés pour être reproduits. Il s’agit d’explorer, de recenser et de localiser les sources lumineuses naturelles (le soleil, la lune, les étoiles, les lucioles sont moins fréquentes, mais acceptées) ou artificielles (éclairages publics, balises, plots lumineux, réverbères urbains, luminaires, plafonniers, néons, ampoules, phares de voitures, lampes électriques, lampes frontales, lampes de smartphone surfaces réfléchissantes fluorescentes ou argentées, réflecteurs de bicyclettes, etc.) avec le projet d’imaginer, d’une part, une réalisation individuelle et, d’autre part, une installation collective permettant de jouer avec elles.
Après cette exploration, la mise en place des fils d’étendages s’effectue en tenant compte de l’emplacement, de l’intensité, de la hauteur et de l’orientation de sources lumineuses. Le lieu d’étendage se transforme un véritable piège à lumières. Cependant, n’entreprenez- pas d’installations électriques, surtout, en extérieur, sans l’aide professionnels. Nous déclinons toute responsabilité en cas d’accident. Nous vous proposons maintes pistes à partir d’autres moyens.
Ainsi, certains matériaux (le buvard, l’éponge ou le feutre) absorbent la luminosité, tandis que d’autres deviennent de véritables réflecteurs (miroir, métal, celluloïd, plastique, aluminium, papier blanc…). Leur texture y contribue. Selon ce qu’elle soit rugueuse, lisse, pliée, froissée, martelée, ajourée ou encore perforée, la lumière se retrouve piégée ou diffusée. Toutefois, sur les fils d’étendage, le poids ou la dangerosité de certains matériaux interdisent leurs emplois (miroir, verre, métal, etc.). C’est pourquoi des photographies d’installations réalisées auparavant avec ces matériaux les remplacera le jour « J ».

El Anatsui (1944-), Sasa (Manteau), installation, aluminium et fils acier,
H : 840 cm, L : 700 cm, P : 5 cm, 2004, Centre Georges-Pompidou, DR.
Pour élaborer des projets, coopérez !
L’échange de points de vue, connaissances et pratiques, de même que la concertation et la collaboration seront plus que jamais nécessaires afin de concevoir une installation artistique éphémère en extérieur. Nous partagerons ainsi nos « lumières ».
Apprendre est, en effet, l’un des objectifs de La Grande Lessive®.
Après l’échange à partir des mots clés, jouez au cadavre-exquis. Ce jeu d’association d’idées inattendues permet de chercher à plusieurs. Une personne rédige ou dessine une courte proposition sur un papier, plie ce papier, le transmet à une autre personne qui continue à dessiner ou écrire ce qu’elle imagine dans l’instant… Puis, arrive le temps de la découverte : on déplie les papiers, on les montre et les lit, on associe des idées à d’autres pour favoriser l’émergence de propositions inédites.
« Réfléchir » c’est concevoir ensemble une installation et imaginer quantité de pistes pour de futures réalisations individuelles, mais c’est également renvoyer la lumière. À la manière d’explorateurs ou de chercheurs, tentez de capter un rayon lumineux au moyen de petits miroirs pour le faire circuler dans un espace. Utilisez des lampes torches pour baliser un parcours, pour dessiner dans le noir… Inventez ainsi vos lumières et leurs réflexions.
Une situation ou une forme favorisent aussi l’invention de lumières. Pourquoi ne pas fabriquer un théâtre d’ombres et de lumières en intégrant des réalisations individuelles à partir du mot « nuit » ou « jour » et des imaginaires qui les accompagnent : la peur, l’éveil, le commencement, la fin, etc. ? Les idées viendront en agissant ensemble. Chacune et chacun part dans la direction qu’il choisit, avant un temps de concertation aidant à définir des priorités : les lumières, leurs effets dans un lieu donné, les techniques utilisés, la hauteur et la disposition des étendages. Inspirez-vous d’autres cultures. Le théâtre d’ombres vient d’Asie, cependant il existe d’autres inventions dans d’autres régions du monde. Partons à leur recherche. Les « lumières » viendront ainsi de sources inattendues et renouvelées.

Christian Boltanski (1944-2021), Théâtre d’ombres, 1984-1997, DR.
Pour trouver votre propre chemin, expérimentez !
La feuille de format A4 compose un support capable de se transformer en écran afin de mettre en scène des jeux de lumières. Projetez dessus des lumières ou des images à l’aide de vidéoprojecteurs, d’un smartphone, de lampes électriques pourvues de filtres colorés… Selon qu’elle sera plate, froissée ou pliée avec précision, la projection variera. Elle changera d’autant plus si les images projetées sont fixes (photographies) ou mobiles (vidéos), abstraites ou non, en couleur ou pas, sonorisées ou non…
Organisez des visites d’étendages à la nuit tombée tels des explorateurs qui découvrent, à l’aide de lampes frontales et de torches, des réalisations énigmatiques qui retomberont dans la nuit, juste après leur passage…
Choisissez un lieu, un arbre ou un bâtiment situé à proximité des étendages avant de le photographier à différents moments du jour ou de la nuit. Cette démarche inspirée des Impressionnistes et, en particulier de Claude Monet, n’impose pas de partir de l’une de leurs œuvres. Bien au contraire ! Nous empruntons un temps de leur démarche pour saisir un phénomène lumineux, sans chercher à les copier. Pour plus de créativité, proposez à plusieurs personnes d’agir à partir d’un même point de départ avec diverses techniques (photographie, peinture, dessin, etc.), à des heures et sous des conditions météorologiques différentes. Les réalisations suspendues au fil de La Grande Lessive® offriront des versions changeantes d’un même sujet.

Claude Monet (1840-1926) Cathédrale de Rouen, effet de soleil, fin de journée. 1892.
Huile sur toile 100 x 65 cm. Musée Marmottan. DR.
Mais, pourquoi ne pas s’intéresser aussi aux démarches contemporaines ? Découvrez l’artiste Olafur Eliasson qui oeuvre avec les lumières et leurs effets. En 1995, il fonde son studio « Olafur » à Berlin. Cet atelier-laboratoire expérimental emploie aujourd’hui une centaine de personnes, en majorité des architectes. Toutefois, des artistes, des techniciens, des scientifiques, des historiens de l’art, des administrateurs et des cuisiniers bio de différentes nationalités y collaborent également. Olafur Eliasson est aminé par la conviction que « (…) la lutte contre le dérèglement climatique est fortement altérée par notre incapacité à nous sentir connectés à une chose aussi vaste et globale que le climat. Les idées de connexion et d’interdépendance sont des outils pour transformer les idées en actions ».

Olafur Eliasson (1967-), The meeting of times, DR
Pour vous surprendre (et nous surprendre), changez de pratiques !
Racontez la lumière avec des mots, des sons, des musiques, des chants, en restant dans la pénombre, puis faites-la exister par des projections sur l’étendage. Placez-vous plus bas, plus haut, plus loin… Utilisez des miroirs à la manière de rétroviseurs pour regarder l’installation en lui tournant le dos. Inventez des situations qui questionnent.
En photographie ou en peinture, tentez ainsi le contre-jour ou la sous-exposition, soit ce qui est souvent déconseillé. Faites surgir des lumières du noir et du blanc… Inventez ! Nous publions ici deux œuvres d’un même artiste qui n’hésitez pas à adopter des points de vue et des techniques variées.

Eugène Leroy (1910-2000), Autoportrait en Flandres, 1962
© collection particulière, DR

Eugène Leroy (1910-2000), Autoportrait, dessin, fusain sur papier, 64,5 x 49,7 cm, 1982,
Centre Georges-Pompidou, DR.
De nouveau, la curiosité pour d’autres cultures, vous aidera à trouver votre propre chemin. Voyagez avec des artistes utilisant l’encre et le lavis pour faire surgir la lumière. Intéressez-vous à la photographie en noir et blanc pour comprendre comment les lumières et les ombres y sont présentes depuis l’invention de cet art issu de la captation de la lumière.

Qi Baishi (1864-1957), Lotus et petits poissons, 55,2 cm x 33,8 cm, 1928, DR.

Vivian Maier (1926-2009), Autoportrait, non daté, DR.
Bricolez ! Avec des tubes de peinture, de pâte, de colle ou de mastic, réalisez des dessins en relief ou bien en creux. Le relief et le creux rappellent l’écriture en braille et autorisent celles et ceux totalement ou partiellement privés de la vue, à prendre une part active à cette action. Puis, projetez dessus de la lumière rasante ou frontale, comparez les effets. Photographiez-les et suspendez les photos à côté des peintures.

Andréa Appianu (1754-1817), Portrait de Joséphine, reine d’Italie, huile sur toile, H : 0,985 L : 0,747, 1807, Musée du château de Malmaison, DR. À droite, les craquelures du tableau révélées par la lumière rasante.
Pour illuminer la nuit, colorez les lumières
Essayez le light painting ou dessin de lumière. Cette technique photographique permet de dessiner avec une source lumineuse. Elle aurait été expérimentée dès le 19e siècle et, vers 1937, l’artiste américain Man Ray (1890-1976) l’a utilisée pour créer des œuvres.

création de Light Painting par Eléonore avec deux sabres lumineux pendant les ateliers Aushopping à Noyelles- Godault en octobre 2020, atelier Louvre Lens, DR.
Si la photographie dessine avec la lumière, la peinture emploie contrastes et nuances pour réussir à donner d’illusion de sa présence. Quelles couleurs utiliser pour représenter les lumières ? Quels agencements leur donner ? Les artistes futuristes dont Giacomo Balla s’intéressèrent à ces questions. Le document présenté ici n’est pas ni un modèle ni une solution définitive imposant de représenter ainsi des lumières. Il est l’une des pistes envisagées par les artistes. Picasso disait que le soleil était l’un des motifs les plus difficiles à peindre. Telle la recherche de la résolution d’une équation mathématique, pourquoi ne pas tenter des réalisations multipliant les voies pour représenter le soleil ou la lune, les rassembler toutes sur un même support à la façon d’une planche facilitant la comparaison ou en choisir une seule : la plus étonnante ou la plus aboutie ?

Giacomo Balla (1871-1958), Lampe à Arc (1909-1910), huile sur toile, 175 x 115 cm, Museum of Modern Art New York, DR.
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