Marianne Nicolson (1969, Canada) est une artiste et activiste appartenant aux Premières Nations Musgamakw Dzawada’enuxw, qui font partie des Kwakwaka’wakw (appartenant aux populations parlant le Kwak’wala) de la côte Nord-Ouest du Pacifique. Nicolson a reçu l’éducation d’un maître sculpteur spécialiste du style Kwakwaka’wakw. Elle possède un Bachelor en Beaux Arts de l’Université d’Art et de Design Emily Carr (1996), un master en Beaux Arts (2000) obtenu à l’Université de Victoria, ainsi qu’un master (2005) en Linguistique et Anthropologie et un doctorat (2013) dans la même discipline portant sur l’expression des concepts de temps et d’espace dans la langue Kwak’wala, et sur la nécessité de la langue indigène pour exprimer une conception du monde indigène. Sa pratique artistique est pluridisciplinaire et comprend la photographie, la peinture, la sculpture, la vidéo, l’installation, l’art public, l’écriture et l’oralité. Le travail artistique et universitaire de Nicolson reflète un engagement politique pour la revitalisation de la culture et de la langue Kwakwaka’wakw, et ses traditions artistiques.

La reconnaissance du travail artistique de Marianne Nicolson date de 1998 quand elle escalada une paroi rocheuse verticale à Kingcome Inlet pour y peindre un pictogramme de plus de 11 mètres de hauteur – le premier dans cette crique en plus de soixante ans – afin de témoigner de la persistance de la vitalité  de son village ancestral, Gwa’yi. Bien visible depuis l’entrée de la crique et d’Inlet Kingcome, le pictogramme représente les symboles et personnages traditionnels du peuple Dzawada’enuxw, dont un loup, kawadilikala, portant sur son dos une boîte décorée d’un soleil et contenant les trésors des Dzawada’enuxw. Symbolisant l’espoir pour le futur, ces images sont encadrées par la forme d’un cuivre traditionnel, utilisé pour représenter la richesse et l’ascendance dans plusieurs nations indigènes vivant le long de la côte ouest. Le pictogramme géant, formé avec de larges lignes à l’ocre rouge, sert de repère visible depuis de loin pour marquer l’appartenance ce territoire habité de manière continue et ce depuis des générations par les Dzawada’enuxw.

Marianne Nicolson, Pictograph, 1998, 8,5 x 11,5m28 × 38-foot pictographe en Gwa’yi

La Maison des fantômes (The House of the Ghosts) de Marianne Nicolson est une œuvre conçue pour transformer un immeuble important du centre de Vancouver au Canada à l’aide de projections lumineuses. L’architecture néoclassique de la Vancouver Art Gallery, construite à l’origine pour abriter le Palais de Justice (Courthouse) de la province, représente l’autorité coloniale et légale responsable de l’oppression de la culture et de la langue indigène. Nicolson utilise des effets de lumières pour y projeter l’image d’une big house (“grande maison”) Kwakwaka’wakw traditionnelle sur la façade du bâtiment, qui apparaît lorsque la nuit tombe et disparaît avec les premiers rayons du soleil. Les colonnes se transforment en poteaux de maison, le linteau poutre et le fronton un tlamilas, ou écran de danse. Les formes représentées dans La maison des Fantômes – orques, loups, fantômes et hiboux –  sont des créatures qui possèdent le pouvoir de guérir les malades et de ressusciter les morts dans la croyance Kwakwaka’wakw traditionnelle. Ces personnages sont réunis par le sisiutl, un serpent à deux têtes avec un visage humain encadrant la poutre centrale, et symbolisant l’équilibre entre le monde physique et le monde spirituel, le jour et la nuit, ainsi que la vie et la mort. Nicolson a conçu cette oeuvre comme l’expression d’une réaffirmation positive et symbolique de la culture dans un lieu où elle fut autrefois interdite, et par ce geste, témoigne du dynamisme de la culture Kwakwaka’wakw.

Kathleen Ritter, artiste, critique d’art et curatrice indépendante.

Remerciements à Marianne Nicolson pour son aide.

Marianne Nicolson, The House of the Ghosts, 2008, lumière, installation, Vancouver Art Gallery, Canada.

C.F. Newcombe, photographie du village de Gwayasdums en 1900, courtesy of the Bill Reid Centre at Simon Fraser University